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Hong Kong : “Une situation totalement inédite”, la crise vue de l’intérieur du pays

Hong Kong : “Une situation totalement inédite”, la crise vue de l’intérieur du pays

Lucile Descamps, Yahoo Actualités il y a 2 heures 51 minutes

Depuis que le gouvernement de Hong Kong a proposé un projet de loi pour autoriser l’extradition vers la Chine, les manifestations se multiplient sur le territoire.

Depuis plus de deux mois, Hong Kong est secoué par une contestation populaire. Les manifestations s’enchaînent et les heurts avec la police commencent à se faire plus nombreux. Description de la situation par des habitants.

C’est une situation inédite que vit actuellement Hong Kong. Depuis plus de deux mois, des manifestations ont lieu à l’encontre du pouvoir en place. En cause, à l’origine, un projet de loi visant à autoriser l’extradition vers la Chine.

Si, en 1997, Hong Kong a été rétrocédé à la Chine par la Grande-Bretagne, cette “région administrative spéciale” dispose pendant 50 ans d’une condition particulière. L’accord entre les deux pays prévoit que, pendant ce demi-siècle de transition, Hong Kong soit autonome et dispose de son propre système économique et politique.

Le peuple dans la rue

Dans les faits, la Chine – notamment depuis que Xi Jinping est au pouvoir – multiplie les ingérences et tente de limiter les libertés de cette région, comme l’a expliqué le sinologue chercheur émérite au CNRS Jean-Philippe Béja, pour Le Monde.

Alors, lorsque Carrie Lam, la dirigeante de l’exécutif hongkongais, a proposé la loi pour l’extradition, la population s’est rebellée. Les manifestations se sont multipliées, et malgré l’assurance du gouvernement de renoncer au projet, la foule s’est faite toujours plus grande dans les rues de Hong Kong.

Au point d’atteindre les 2 millions de personnes (selon les organisateurs) le 16 juin dernier. “C’est absolument inédit”, assure le chercheur Jean-Philippe Béja, “la violence de la police, c’est du jamais-vu depuis 1967”.

Un mouvement différents des précédents

Si le territoire a connu des mouvements de contestation, celui-ci est différent des précédents à bien des égards. Notamment comparé au dernier en date, la “révolution des parapluies”, qui a eu lieu en 2014. Outre des confrontations avec la police plus violentes et plus nombreuses, l’organisation est également différente. “Le mouvement se répand dans tout le territoire. Si des rassemblements ont bien lieu dans le centre, d’autres sont organisés aux quatre coins de Hong Kong, dans des quartiers résidentiels, ou d’affaires ”, explique Guillaume, un Français de 30 ans installé dans la région depuis 2011.

Autre nouveauté : la grève générale qui s’est déroulée lundi 5 août. Il n’y en avait pas eu depuis 1967, comme le confirme Jean-Philippe Béja.

Climat tendu

Malgré l’ampleur du mouvement, “le quotidien n’est pas forcément impacté”, selon les personnes sur place, sauf “les jours de rassemblements”. Si les transports sont parfois affectés, “la journée, tout est normal” affirme Guillaume. Mais il règne tout de même “un climat assez tendu”, précise Lucie, une Chinoise vivant à Hong Kong.

Les arrestations se multiplient et “parfois de manière aléatoire”, remarque Jennifer, une Hongkongaise. Ce qui inquiète forcément les manifestants, car une interpellation pour “émeute” peut coûter très cher : 5 à 10 ans de prison. “Un simple jet de bouteille peut être qualifié d’émeute”, assure Jean-Philippe Béja. Ce qui n’empêche pas la population de poursuivre la mobilisation.

La Chine en mauvaise posture ?

Malgré les menaces de la Chine, qui promet de “répondre par le feu” et d’envoyer son armée, les habitants ne semblent pour l’instant pas particulièrement inquiets. “C’est sûr que si le gouvernement chinois décide d’utiliser l’armée, ce sera la fin du mouvement. Mais dans ce cas, cela pourrait avoir un impact économique très négatif et donner une mauvaise image de la Chine”, analyse Jennifer.

On ne sait pas si la Chine va suivre une logique uniquement économique”, tempère Jean-Philippe Béja. “La Chine est quand même coincée, elle a beaucoup de contraintes. Déjà d’un point de vue international, mais aussi parce que les dirigeants ont des intérêts économiques à Hong Kong. C’est là qu’ils lancent les entreprises sur le marché boursier et qu’ils placent leur argent”, détaille le spécialiste.

La technique choisie semble être de séparer les radicaux. Les autorités pensaient que la population se désolidariserait de la violence, mais ça ne se passe pas comme ça. Les autorités ont donc choisi la répression violente”, conclut Jean-Philippe Béja.

Lucile Descamps

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